Si je vous disais la première fois
Quentin Lamotta • 21 février 2021
Si je disais aux fans de Lionel Langlais que la première fois que je l’ai vu il avait les cheveux tondus, ils auraient sans doute du mal à me croire. C’est pourtant vrai.
Ça se passe sur une péniche amarrée en Seine où se produit un artiste que je coache. La patronne du lieu nous dit : « Y’a là un gars qui voudrait chanter deux chansons ». Pas de problème. « Mais il a pas de guitare… ». On va lui en prêter une. Il commence mal, je me dis. Quelques instants plus tard je le vois qui s’avance... Il chante.
Non, désolé, je ne vais pas vous dire qu’il me colle d’entrée la baffe du siècle. D’abord, il n’y a pas que la guitare qui est empruntée. Lui aussi. Et pas qu’un peu. Ça tremble de partout. Il passerait à la télé, je rectifierai les réglages du poste. Enfin, sur les deux chansons, une seule m’a accroché quelque chose dans l’oreille.
Il n’empêche, et c’est sans doute là qu’il est costaufort l’animal, c’est qu’il n’est pas question pour moi de quitter la péniche sans aller lui parler. Je lui dis que sur les deux il a une chanson « sympa ». Je pourrais lui dire autre chose d’ailleurs, de se laisser pousser les cheveux par exemple, ou encore de prendre un guitariste s’il n’arrive pas à se guérir de sa tremblote. Il veut savoir qui je suis, je lui laisse une carte, et voilà. On ne s’est pas parlé cinq minutes.
Si vous êtes là c’est que vous êtes intelligents, donc vous vous doutez que dans les jours qui viennent, il va m’appeler…
Il n’est pas aussi rare qu’on veut bien le dire de voir des artistes à leur tout début sur scène, capables de vous la jouer à l’esbroufe et de vous faire prendre leur vessie artistique pour une grosse lanterne de music-hall. Allez boire un verre avec eux, vous vous retrouvez vite avec des petites personnes boursouflées d’ambitions et de calculs à la virgule près.
Le grand ou la grande artiste, c’est jamais sur scène qu’on les remarque à leurs débuts, c’est dans la vie. Un grand ou une grande artiste, c’est d’abord quelqu’unquelqu’une dont vous vous dites, dont vous sentez qu’ils portent quelque chose d’étrange… et c’est le bon mot : c’est étrange. Ils ont quelque chose qui fait qu’ils nous sont un peu étrangers, et qu’on leur semble étrangers tout comme.
« C’est qui lui ? Il est lumineux ! » C’est souvent ce que m’ont dit des amis me croisant avec lui pour la première fois. Une lumière, c’est ça, son étrangeté à lui…
Parce que je suis dans son ombre, il a tenu à me laisser une place sur ce blog. J’ai dit d’accord, mais à une condition : je dis ce que je veux !
Attention, ce sont des confidences que je vous fais là. Merci de ne pas les répéter. Pas à n’importe qui en tout cas.
Et, confidences pour confidences, vous pouvez vous aussi, je m’y engage, dire ici ce que vous pensez, faire des remarques, me poser des questions, j’y répondrai à ma façon.
Quentin